La politique achat consiste, selon le fascicule X 50-128 publié par l’AFNOR à définir des « orientations et intentions générales, relatives aux achats et approvisionnements, d’un organisme, telles qu’elles sont formulées par la direction de l’organisme acheteur ».
La formalisation d’une politique achats traduit, dans l’achat public, le passage d’une logique juridique, centrée sur la sécurisation des procédures, vers une logique globale intégrant des objectifs de performance économique, qualité, délais et développement durable.
L’articulation entre la politique achat, la stratégie achat et les techniques achats se décline de la manière suivante :
Concrètement, la stratégie achat traduit en actions les priorités de la structure achat, exprimées au travers de ses politiques. Les actions qui en découlent orientent la rédaction des contrats et de leurs conditions de passation, notamment :
- critères de sélection des candidatures et des offres,
- techniques d’achat (forme du contrat),
- allotissement,
- conditions d’exécution
Ces actions rentrent elles-mêmes en résonance avec d’autres politiques de la structure. Ainsi, l’externalisation d’une mission confiées auparavant à un service de l’acheteur a nécessairement un impact sur la politiques des ressources humaines. Cet enchaînement est explicité dans le schéma ci-dessus :
Comment élaborer une stratégie d’achat
La stratégie d’achat intervient en amont de l’achat. Elle ne portera tous ses fruits que si l’organisation des achats est suffisamment mature, c’est-à-dire si la fonction achat est conçue comme participant pleinement à la recherche des gains d’efficience à l’échelle de la structure. Le schéma ci-dessous synthétise ces différents niveaux de maturité.
Les prérequis à la construction de la stratégie achat
Les prérequis internes
La construction de la stratégie suppose que les informations achats s’appuient sur un système remontant des informations réellement issues des consommations des services, à rapprocher des prévisions de dépenses pour les périodes concernées. Ce système permet aussi de s’assurer que les seuils des procédures de passation seront bien respectés.
Les trois piliers de cette construction sont précisés dans le schéma ci-dessous :
L’utilité de la nomenclature achats
La nomenclature achats permet d’isoler des achats constituant des groupes homogènes, ayant une cohérence tant vis-à-vis des services prescripteurs que des fournisseurs. La nomenclature a plusieurs finalités.
La justification de la computation des seuils
La nomenclature permet de justifier la computation de seuils réalisée par une entité soumise au code de la commande publique. Les seuils s’apprécient en effet, pour les fournitures et les services en agrégeant sous un même « compteur » les achats homogènes. L’homogénéité s’apprécie notamment en fonction « des caractéristiques propres » des prestations (article R2121-6 du code de la commande publique). Cette appréciation des caractéristiques propres est objectivée par l’appartenance à une famille de la nomenclature plutôt qu’à une autre.
Construction de la stratégie achat
Au delà de son aspect règlementaire, la nomenclature est un outil de connaissance de la structure des achats de l’entité publique permettant de construire une stratégie basée sur des données de consommation objectives.
Les nomenclatures existantes
Il n’existe plus de nomenclature imposée pour l’ensemble des acheteurs. Les deux principales mises en œuvre par les entités publiques sont, à notre connaissance, la nomenclature des achats de l’État et la nomenclature relative aux achats hospitaliers.
Déployée depuis 2014, la nomenclature des achats de l’État a vocation à unifier le traitement des achats principalement du point de vue du suivi de la facturation. Elle est en effet utilisée dans la suite de solutions CHORUS et a vocation à servir de base à la construction des stratégies achat dans les institutions.
Même si le guide de la DAE précise que « l’arborescence de la nomenclature achats a été pensée pour refléter la diversité des natures d’achat de l’État. Elle est constituée d’ensembles homogènes et signifiants devant permettre de faciliter sa lecture par ses utilisateurs. La structure de la nomenclature achats rend compte de plusieurs facteurs clés déterminants dans sa définition« , elle n’est pas utilisable à notre sens en tant que telle pour la computation des seuils en raison de son caractère trop globalisant.
Elle s’articule sur trois niveaux :
- domaine d’achat ;
- segment d’achat ;
- groupe de marchandises (GM)
Cette nomenclature connait une déclinaison dans le domaine hospitalier avec la Nomenclature des Catégories homogènes de fournitures et de services (NCHFS), assortie d’une note de la DGOS de 2018. Le découpage des prestations est assez nettement différent, sans doute parce qu’elle a vocation à servir à la computation des seuils.
Les prérequis externes
La construction de la stratégie achat suppose également d’être en phase avec les possibilités qu’offre le marché fournisseur.
Les phases de sourcing et de benchmark en amont de la consultation, jouent là un rôle essentiel.
La construction de la stratégie achat
La stratégie achat conduit à une priorisation des actions pour répondre aux objectifs fixés par les politiques achats. Plusieurs outils existent pour effectuer cette priorisation.
La matrice de Kraljic
Cette matrice met en avant deux dimensions :
- la complexité du marché fournisseur ou risques/enjeux de ce marché (Risque de ruptures, Marché monopolistique, contraintes logistiques, etc.)
- l’importance de la famille d’achat, du segment ou du produit en termes de dépenses ou d’impacts sur l’activité de l’organisation.
Sa mise en œuvre (à adapter en fonction des besoins de l’acheteur) s’effectue selon la méthode suivante.
- Analyser pour chacune de ces familles, segment ou produits la complexité/risques/enjeux de son marché selon les deux axes suivants :
- Importance de l’achat pour l’entité, appréciée selon le pourcentage que représente cette catégorie achat au regard des autres catégories, de son caractère stratégique pour l’entité…
- Importance du risque de perturbations dans l’approvisionnement (risques technologiques, risques financiers, risques relationnels…)
- Donner une note à chacun de ces risques (possible de donner plus de poids à certains risques) et positionner l’achat dans la matrice ci-dessous.
Selon la catégorie à laquelle appartient l’achat, la stratégie à déployer sera différente.
Pour les achats simples (impact faible, peu de risques liés à l’approvisionnement)
- Faire jouer la concurrence
- Standardisation des produits
- Réduire le nombre de fournisseurs
- Décentralisation des achats
- Externalisation ou simplification des processus achat
- Gagner du temps pour se concentrer sur les achats stratégiques
Pour les achats à effet de levier (pas de risque d’approvisionnement et impact fort)
- Faire jouer la concurrence
- Passer facilement d’un fournisseur à un autre
- Réduire le nombre de fournisseurs
- Trouver des produits de substitutions
- Standardiser le besoin au maximum
- Massifier les volumes d’achat
Pour les achats risqués (impact faible, peu de risque d’approvisionnement)
- Sécuriser l’acquisition : garantir les volumes
- Améliorer la relation fournisseur
- Sécuriser les stocks
- Développer le sourcing
- Aider des fournisseurs à pénétrer le marché
- Travailler sur des produits de substitution
- Redéfinir le besoin et participer à la rédaction du cahier des charges
Pour les achats stratégiques (fort impact, acquisition difficile, ressources rares…)
- Sécuriser l’acquisition
- Décider de faire ou faire-faire
- Considérer le fournisseur comme un partenaire